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Un peu fonctionnarisé, un peu dévoyé,un peu déstructuré, l’accueil familial selon l’ODAS

Notre Tribune, Par Evelyne Arnaud membre du SAF

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Dans le cadre de la Mission d’information sur l’aide sociale à l’enfance de l’Assemblée Nationale présidée par la députée Perrine Goulet, Mr Jean-Louis Sanchez délégué général de l’ODAS (Observatoire national de l’Action Sociale) et son directeur général, Mr Didier Lesueur ont été auditionnés. Après nous avoir expliqué la mission d’analyse et d’évaluation de l’ODAS, et proposé que la protection de l’enfance est l’affaire de tous, qu’il s’agit de transformer nos postures individuelles et collectives face à un déficit de projet collectif, d’un vivre ensemble, que l’on peut aller vers plus de fraternité, au-delà de la question du manque de moyens, et voici qu’ils parlent de nous, les assistants familiaux.

Or, voici de la part de Mr Lesueur, ce que l’on a pu entendre :

« L’accueil familial a été sous une impulsion tout à fait légitime de favoriser les droits des professionnels, mais au fond, comment est-ce qu’on organise l’équilibre entre les droits des professionnels et l’intérêt des enfant, à savoir que quand il y a un droit à congé qui est légitime, on peut voir que l’enfant finalement devra être déplacé de la famille d’accueil lors des temps forts de la famille. Au fond, on a un peu dévoyé l’accueil familial avec nos systèmes »

Et peu plus tard, il y eu l’intervention de Mr Jean-Louis Sanchez :

« … malgré les difficultés qu’a soulevées Mr Lesueur sur le côté un peu fonctionnarisé des assistants familiaux, la proposition est quand même meilleure pour l’enfant indiscutablement. Je crois qu’il faudrait tout de même ouvrir un véritable chantier sur ce sujet-là, pour voir comment réussir à maintenir le caractère familial des assistants familiaux quitte à les payer davantage mais trouver une formule qui évite…car je pense qu’il n’y a rien de plus déchirant pour un enfant que d’être retiré de la famille d’accueil lorsqu’ils partent en vacances mais vous vous rendez compte, qu’elle blessure ! alors que ça ne se produisait pas avant. »

Il nous est important, de reprendre le contenu de ces propos.

Concernant notre professionalisation, depuis la loi du 27 juin 2005, les assistants familiaux employés par des collectivités locales sont maintenus dans un statut « spécial » d’agents non titulaires de la collectivité territoriale. Notre « fonctionnarisation » demeure donc toute relative, nous restons des agents contractuels soumis à une structure juridique complexe qui fait appel au droit de la fonction territoriale, au code de l’action sociale et des familles et en dernier lieu aux règles de gestions que vote chaque département. Cette réforme rénovant notre statut reste aujourd’hui encore en suspens ce qui permet aux départements de jongler entre droit du travail « ordinaire » et leurs propres dispositions.

Alors concernant les congés, nous avons les mêmes droits que des agents de la fonction publique, mais voici ce que dit l’article L 423-33 du Code de l’action sociales et des familles qui précise que les assistants familiaux ne peuvent se séparer des mineurs qui leur sont confiés pendant les congés payés sans l’accord préalable de l’employeur. La décision de celui-ci est fondée sur la situation de chaque enfant en fonction, notamment, de ses besoins psychologiques et affectifs, des possibilités de remise à sa famille naturelle, et aussi des souhaits de la famille d’accueil. L’employeur peut en réalité toujours refuser. Sous réserve de l’intérêt de l’enfant, l’employeur doit autoriser l’assistant familial qui en fait la demande à se séparer simultanément de tous les enfants accueillis pendant une durée minimale de 21 jours dont 12 jours consécutifs (Art. D 423-26). Les départements ont voté leur propre règlement relatif à la prise des congés payés et, certains obligent, pour éviter l’épuisement professionnel, une prise de congés de 15 jours par an, qui, s’ils ne sont pas pris, ne seront pas rémunérés. Il y a bien sur des dérogations possibles (en cas de séparation impossible psychiquement pour l’enfant, d’absence de solution trouvée pour le relais, d’accueil en vue d’adoption).  Mais aujourd’hui, face à une pénurie grandissante d’assistants familiaux susceptibles de les remplacer, les professionnels ont de plus en plus de difficulté à prendre des congés.

Ce que Mrs Sanchez et Lesueur semblent ignorer, c’est que la majorité des assistants familiaux partageons des temps de vacances avec les enfants qui nous sont confiés, et les congés, sans ces enfants sont pour nous une réponse au besoin de s’extraire d’un quotidien parfois éprouvant pour tous, lorsque nous accompagnons des enfants et des ados, pour certains ayant des besoins spécifiques tels, que des vacances ordinaires deviennent une véritable épreuve à la finalité incertaine. Retrouver une autre intimité, avec son conjoint, ses propres enfants, son univers amical et familial est un gage de bonne santé psychique qu’il ne faut pas négliger, qui est, ou devrait être évalué, concerté en équipe, dans un travail d’élaboration et de suivi de notre famille d’accueil, et cela ne s’achète pas ! Certains d’entre nous ne se rendent même plus compte de leur état, et des conséquences sur leur famille lorsqu’ils sont « vampirisés » par les accueils. Nous pourrions aussi parler de la culpabilité qui est souvent notre compagne, avec laquelle il nous faut composer, face à l’insistance d’un travailleur social tout autant culpabilisé que nous. Nous sommes donc bien loin, il nous semble, de cette « fonctionnarisation » qui aurait « dévoyé » notre mission, comme le prétend l’ODAS.

Lorsque les établissements médicaux sociaux, IME, ITEP IMPro ferment, pour leur majorité durant 4 semaines l’été, renvoyant les « usagers » dans leurs familles, que les services de pédopsychiatrie renvoient les week-ends et une partie des vacances scolaires également les jeunes patients (car leurs pathologies s’améliorent durant ces temps-là !), nous n’avons pas encore entendus que les missions de ces services s’étaient « dévoyés » et pourtant nous prenons le relais.

Nous remarquons ces derniers temps, combien le discours sur l’accueil familial est rarement dépassionné, car souvent parasité par des projections personnelles, même à ce niveau « d’expertise ». Ainsi pour Mr Lesueur « l’enfant est déplacé lors des moments forts », alors que Mr Sanchez trouve « déchirant » que l’on « retire l’enfant de la famille d’accueil qui part en congés » et de rajouter « quelle blessure ! alors que ça ne produisait pas avant ». Nous avons alors des images terribles !

Le temps des vacances pris en commun dans une famille où l’enfant a trouvé sa place, est en effet un de ces « temps forts, » parmi, devons-nous le rappeler, tant d’autres comme les fêtes de Noël, les anniversaires… mais ce sont aussi des temps pas toujours simples à négocier pour beaucoup d’enfants accueillis. Tous les professionnels de l’accueil connaissent les difficultés qu’il y a à traverser la période de Noël, temps fort familial par excellence, et combien ce moment peut être porteur d’ambivalence, de souffrances et de difficultés pour l’enfant, sa famille naturelle et la famille d’accueil. Partager des moments forts comme des vacances avec sa famille d’accueil est juste impossible pour certains enfants qui ne supportent pas et parfois le verbalisent très clairement, ce « trop de bonheur ». Ils iront même jusqu’à tout mettre en échec tellement ce moment fort leur est juste insupportable. Mrs Lesueur et Sanchez, se sont laissés aller à des représentations très personnelles de ces magnifiques moments ! et si « blessure » il y a, de quelle blessure parle Mr Sanchez ?

Précisons que les enfants qui ne partent pas en vacances avec leur famille d’accueil, ne vont pas être « retirés » mais confiés à une famille dite relais, connue, repérée, faisant le plus souvent partie d’un réseau que beaucoup d’assistants familiaux se construisent avec le temps et que les équipes enfance, en dernier lieu, valident ou pas. Les séjours ainsi préparés en amont, s’apparentent plus à ce que chacun d’entre nous a pu expérimenter dans son enfance : un séjour chez une tatie, des grands parents. Les enfants sont souvent ravis de partir et de revenir. Alors en quoi perdons nous ici le « caractère familial » auquel Mr Sanchez fait allusion ? qu’est- ce qui fait « famille » aujourd’hui ? Et pourquoi dans notre société est-il si important que les enfants nous appartiennent ?

Nous demandons qu’on cesse de nous sacraliser et de nous idéaliser ainsi !

Enfin au cours de l’intervention de l’ODAS, il y eu l’évocation d’un passé où nous étions, les familles d’accueil, et nous apprendrons pour certaines d’entre nous « un peu déstructurées », un passé où ne partions pas en vacances, si c’est toutefois cela que Mr Sanchez voulait dire, donc un passé moins blessant pour les jeunes placés. Nous répondrons qu’il fut un temps pas si lointain, où une majorité d’enfants placés, partaient l’été en colonies de vacances durant 3 semaines, alors que d’autres travaillaient.  Aujourd’hui, cela est quasiment impossible compte tenu du coût et du manque d’offres adaptés pour certains profils d’enfants, sauf si nous en assumons la charge.

Mr Sanchez a raison de le proposer : il faudrait ouvrir un véritable chantier sur l’accueil familial, à condition que ce ne soit pas un chantier de démolition et qu’il se fasse avec des assistants familiaux qui en ont aujourd’hui assez que l’on parle d’eux sans vraiment connaitre leur réalité.

 

Evelyne ARNAUD

Membre du SAF

Syndicat National Professionnel des Assistants Familiaux