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Assistante familiale, 4h de smic pour un métier qui me colle à la peau….

20 août 2009 : humeur matinale

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4h de smic par jour pour un métier qui me colle à la peau,

qui m’est nécessaire comme on respire, pour accueillir chez nous dans notre foyer les enfants des autres,cabossés par la vie bien avant l’heure, carencés depuis leur plus tendre enfance, qui depuis longtemps savent que faire confiance à l’adulte peut être dangereux….

Des enfants qui parfois se laissent aller à la dérive de la maladie psychiatrique, de la délinquance parce que plus aucune amarre ne les raccroche au port de l’estime et de l’amour….!!

4 heures de smic pour offrir notre famille toute entière , notre maison qu’il aura fallu d’abord mettre aux normes afin d’obtenir le sacro-saint agrément..grande maison bien sûr!! mais qui dit aussi lourds emprunts….!!

La maison où enfin au creux d’une chambre bien à eux, ils vont pouvoir une fois peut être dans leur vie poser leurs valises, s’installer ou parfois juste essayer tout en ayant l’impression de trahir maman ou papa…..conflit de loyauté!!…

Car pour s’installer quelque part et se permettre d’aimer , il faut du courage!!! beaucoup de courage…pour rompre la chaine qui les unit au malheur et qu’ils doivent cependant traîner à leurs pieds, il faut carrément être un super héros ….!!!!

Mais on essaie ,autant faire ce peu, de leur offrir un lit douillet, une place dans le cœur de chacun, leur offrir comme un oiseau fragile au creux des mains, un havre de paix…

4 heures de smic et 12 jours de congés consécutifs à choisir si notre employeur ne nous les impose pas….

Et puis parfois, au détour du quotidien, de nos observations , l’on finit par se rendre à l’évidence ce petit là, pelotonné dans sa violence, dans sa colère, dans son refus d’amour, ce petit là a en germe autre chose….

Sommes nous capables ou habilités à continuer la route avec lui et ses angoisses et sa psychose? Traitement lourd, traitement de cheval, des nuits couchés sur un lit de camp parce qu’il ne trouve plus le sommeil en se débattant dans ses délires ou ses envies de suicide ou parce que trop petit encore il doit retrouver nos bras toute la nuit durant pour être simplement rassuré. …juste pour continuer à vivre encore un peu parmi nous, 4 h de smic et une sujétion particulière qui se déroule sur une grille administrative selon l’ handicap..1h de smic supplémentaire….5 heures de smic donc pour une vie en dehors d’une structure hospitalière ou une institution où le bonheur est encore parfois dans le pré au détour d’une fleur, d’un écureuil, même d’un crapaud…ou d’une pierre qui finira sous l’oreiller confidente des malheurs non dits, non partagés..fameuse pierre à malheur..!!

Et puis encore des économies à faire sur les indemnités diverses qui rendait notre travail à peu près correct car la seule reconnaissance de ce beau métier reste notre fiche de paie, rien d’autre, tarif dégressif au nombre d’enfants accueillis, notre contrat de travail qui fait de nous la part variable du conseil départemental, des précaires et intérimaires du social car soit disant plus d’enfants à confier, plus de travail, une indemnité d’attente de 4 mois et le chômage en suivant, en attendant qu’une autre misère veuille bien venir frapper à notre porte par le biais d’une bonne volonté qui au détour d’un dossier nous a jugé digne de continuer…

Et au bout du chemin, là au cœur de notre chaumière, des éclats de rires, des cris et des douleurs, des morceaux qu’ils faut remettre ensemble des maux qu’il faut arriver à mettre en mots, des désastres qu’il faut transformer en force, des bisous qui doivent devenir magiques et soigner des plaies qui ne disparaîtront jamais…des jeux pour expliquer l’inexplicable, l’indicible, des mains , des bras, de la patience beaucoup de patience pour leur faire comprendre qu’ils méritent d’être aimés, que ces enfants là sont capables d’avoir le meilleur, parce que leur chemin de vie est si chaotique qu’ils méritent le meilleur et que tous nos efforts à nous les adultes tendent vers ce mot gorgé de sens comme une pêche bien sucrée, la RÉSILIENCE !!

A eux, nos propres enfants qui disent parfois « nous on vit en famille d’accueil toute notre vie et on est jamais passé devant le juge!! comme s’ils savaient qu’ils en ont pris pour perpète…(sic), à eux qui écoutent, partagent et vivent parfois la face la plus noire que peux exprimer l’âme humaine et qui acceptent selon le temps et l’enfant, de partager leur maman et papa, qui vieillissent un peu trop vite à notre goût par la force des choses mais qui illuminent tous nos matins de vérités que nous n’aurions jamais trouvé sans eux, de pistes que nous n’aurions jamais deviné.

Ils (elles)deviennent souvent éducateurs ou assistantes sociales, juges parfois …à eux qui dans l’ombre nous aident à avancer et à continuer car ils sont suffisamment généreux pour nous l’autoriser.

Tout comme notre conjoint qui lui tient la barre et nous permet de recommencer encore et encore, de nous reposer aussi un peu et qui s’allume au cœur de la tempête la plus tumultueuse comme un grand brasier pour ses enfants perdus, pour ces bateaux fous qui sur les vagues de la plus haute tourmente essaient de rejoindre le port…A lui, mon époux qui inlassablement recommence dans un acte de générosité absolue , un acte gratuit….

5 h de smic, une sujétion « particulière », des congés payés quand on peut ou imposés par notre employeur dès qu’un enfant n’est plus au domicile,des trop perçus qu’il faut rendre alors que nous ne sommes jamais partis en vacances !, des déplacements non remboursés, des indemnités réduites à peau de chagrin, un contrat de travail qui ferait pâlir Jaures !!!

ET à tous les autres., à la bêtise ambiante qui étouffe l’idéal, aux grands méchants loups des petits pouvoirs qui ont oublié le mot solidarité, qu’ils se rassurent, la chèvre de M. Seguin , bien que courageuse finit toujours par se faire dévorer…bien que j’aimerai assez changer la fin de l’histoire juste une fois, changer le cours des choses maudites, tenir la distance et finir l’histoire dans un éclat d’espoir….et un chant de victoire…….CROIRE à l’IMPROBABLE !!! N’EST CE PAS MON MÉTIER ?

Voilà, c’était mon humeur du matin, besoin de témoigner de cette incongruité qui consiste à mettre en chiffre ce que nous ne pourrons jamais quantifier,ni rémunérer à sa juste valeur mais s’il vous plaît, surtout, surtout à ne pas mettre au rabais,
… L’AMOUR des AUTRES !!

Sabine Carme porte-parole du SAFsolidaires

Publié le 5 mars 2018