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Prendre soin de l’enfant en accueil familial

par Christian Allard publié chez ESF éditeur

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Parce que prendre soin de l’enfant c’est prendre soin de tout le dispositif qui le soigne, voici un ouvrage que tout travailleur social et cadre ASE ou chef de service de placement familial devraient lire, car Christain Allard nous rappelle combien les décisions des administrations peuvent être coupées  du vécu de monde qu’est  l’accueil familial et en deviennent inappropriées et du coup maltraitantes pour les enfants, leurs parents et les professionnels qui s’en occupent

Voici le dernier ouvrage avant qu’il ne quitte ses fonctions de responsable d’un service de placement familial du conseil départemental du Val-de-Marne depuis sa création en 1996 jusqu’en 2018.

Christian Allard est également Membre du bureau de l’association RIAFET (Réseau des intervenants en Accueil Familial pour Enfants à dimension Thérapeutique) et formateur au COPES (Centre d’Ouverture Psychologique et Sociale)

voici extrait la conclusion de cet ouvrage

« Les bienfaits de l’accueil familial par rapport à l’accueil collectif sont aujourd’hui connus de tous. Y compris des gestionnaires financiers qui savent qu’il coûte beaucoup moins cher.

Toutes les administrations départementales veulent développer leurs accueils familiaux, veulent embaucher de nouvelles assistantes familiales.

Peu y arrivent.

Bien souvent, on confond, on réduit, le placement en accueil familial à un accueil chez une assistante familiale.

On ne pense pas l’organisation du placement en accueil familial à partir de la clinique spécifique de l’enfant placé ; on pense les choses dans un bureau, coupé du monde, et on ordonne que désormais le réel soit ainsi.

Nombreux sont les départements qui se lancent dans des campagnes publicitaires de recrutement. Le coût est faramineux ; le résultat est proche de zéro.

Penser raisonnablement c’est penser selon la nature. Selon la nature des besoins des enfants.

Mal penser coûte très cher.

D’une manière générale, les moyens mis en place pour développer l’accueil familial n’ont aucun rapport avec mes avancées scientifiques de ces huit dernières décennies. Ils y sont même, bien souvent, contraires [1]

Les lois qui nous encadrent ont suivi l’évolution des sciences humaines[2] , mais on peut facilement constater que ces lois sont dénaturées dans la pratique[3]

 

La réalité de la souffrance des enfants est terrible, ce n’est pas en la banalisant qu’on va recruter des familles d’accueil. La bonne volonté des assistantes familiales est extraordinaire mais ce n’est pas en la transformant en toute-puissance, en faisant sembler de croire qu’elles vont y arriver seules, qu’on va les rassurer.

Aujourd’hui, toutes les familles d’accueil savent que l’accueil ne suffit pas.

Mais elles savent aussi qu’elles sont en première ligne et que si elles ne sont pas solidement ancrées dans une équipe, en cas de problème, elles seront abandonnées.

Et les problèmes sont inhérents au placement en accueil familial. Et constants ; l’accueil avance de crises en crises, comme disait Myriam David. Et ils peuvent venir de tous les horizons :

  • Venir des troubles de l’enfant qui le rendent insupportables ;
  • Venir des parents qui montent l’enfant contre l’assistante familiale, voire qui font une dénonciation calomnieuse ;
  • Venir de l’environnement social, du centre de loisirs, de l’école, de voisins, des thérapeutes…qui constatent que l’enfant, malgré l’accueil, est toujours aussi souffrant
  • Venir de l’enfant lui-même, pour qui il est toujours plus facile de se plaindre de sa famille d’accueil quand on souffre de ses parents ;
  • Venir de l’équipe avec qui elle travaille si celle-ci, insuffisamment formée à la clinique spécifique de l’accueil familial, pas assez étoffée, ne sait ni décrypter ni soutenir.

Quelque soit l’origine des difficultés, plutôt que de chercher avec l’assistante familiale l’origine des troubles et prendre sa part dans le traitement, il est beaucoup plus facile de la tenir pour responsable des problèmes. Il est beaucoup plus facile de la tenir pour responsable des problèmes. Il est beaucoup plus simple de faire passer une défaillance du service pour une défaillance personnelle de l’assistante familiale, indigne du métier, pas à la hauteur de l’accueil, bref de changer l’enfant de famille (avec la certitude d’accentuer ses troubles).

Et la judiciarisation de notre société peut avoir des effets terribles sur une famille d’accueil isolée en cas de dénonciation calomnieuse.

Comment postuler dans ces conditions ?

Ce métier est quand même particulier. On n’y engage pas seulement soi. On y engage son mari, ses enfants, mineurs ou majeurs, encore à la maison ou déjà partis, sa famille toute entière…vos relations amicales, même, seront impactées.

Ces familles sont prêtes à beaucoup donner, sont capables de beaucoup endurer, mais à condition que ça ait du sens, que ce soit pour le bien être de l’enfant. Et à condition que cette énergie incroyable qu’elles vont chercher en elles-mêmes soit reconnue comme positive par leur entourage professionnel. Positive pour l’enfant, positive pour notre société…

Ce métier particulier nécessite donc un cadre particulier de travail. Une articulation particulière à son équipe. Nous devons :

-reconnaitre la spécificité de leur place d’accueillante impliquée affectivement et assumer d’elle les trois autres fonctions de placement en accueil familial : la fonction de référence (le Moi auxiliaire), la fonction d’élaboration (aider l’enfant à tisser le fil de sa pensée) et institutionnelle (la garantie de stabilité du cadre) ;

-lui garantir la permanence, la continuité de l’accompagnement pour garantir la continuité de l’accueil ;

-lui permettre d’assurer ce maternage qui nourrit, qui prend soin, qui humanise tout en l’empêchant de s’enfermer dans la relation fusionnelle sclérosante que réclament tant d’enfants carencés ;

-lui offrir les conditions de la réussite éducative humaniste, c’est-à-dire la créativité. La liberté de trouver en elle l’outil adéquat pour sortir l’enfant de son marasme.

On se voit. Comment va l’enfant ? et on ajuste.

Prenons, pour illustration, l’exemple polémique des vacances.

C’est le droit de tout salarié d’avoir des vacances.

Mais offrir à une assistante familiale d’être libérée régulièrement de son accueil, pour qu’elle se repose de cet accueil qui la mine, c’est répondre à côté.

Des vacances réussies pour une assistante familiale, c’est de partir avec l’enfant et que ça se passe bien ! c’est que l’enfant soit capable d’aller en colonie parce qu’il est devenu sociable. C’est de trouver un relais chez une collègue parce que ce relais est indispensable pour que l’enfant découvre que l’on peut se séparer et se retrouver et ainsi permettre la continuité de l’accueil chez elle.

Bref, lui garantir son droit à vacances, c’est d’avoir une réponse adaptée au bon développement de l’enfant. Pas parce que Tata en a marre de toi et que tu es un cas lourd.

Parler d’un cas lourd pour une assistante familiale, c’est parler de la légèreté de notre propre accompagnement.

Offrons aux postulants, aux postulantes ce cadre professionnel particulier pensé à partir de l’enfant et élaboré à partir de la pratique.

Reprenons le petit livre édité par notre ministère[7]. Et poursuivons par celui du RIAFET.[8]

Et respectons l’esprit des lois[9]

On en revient toujours là, réussir le placement familial, c’est réussir à articuler la clinique et le juridique. »

 

[1] Ainsi, ces départements qui mettent en place deux équipes pour leurs accueils familiaux. Une pour soutenir l’enfant dans sa relation à ses parents ; et une autre pour soutenir l’assistante familiale. On accentue le clivage ; personne ne connait l’enfant ; on est loin du soin.

 

[2] La loi N° 2005-706 relative aux assistants maternels et assistants familiaux ; la loi de 20076293 réformant la protection de l’enfance ; la loi de 2016-297 relative à la protection de l’enfant.

 

[3] Pour illustration, prenons deux exemples : le nombre d’accueils chez une assistante familiale qui dépasse les trois enfants fixés par le législateur ; le lâchage de l’assistante familiale et de l’enfant accueilli en cas de déménagement de l’autorité parentale (maltraitance, abandonnante…) sur un autre département comme si la priorité légale n’était pas l’intérêt supérieur de l’enfant.

 

[7] David Myriam (sous la direction de), Enfants, parents, famille d’accueil : un dispositif de soins, l’accueil familial permanent, Eres, 2000 et ministère de l’Emploi et de la Solidarité, 2000. Avec la collaboration de Roselyne Becue-Amoris, Jean Cartry, Françoise Cartry, Françoise Casenave, Jean-Claude Cebula, Martine Doboc, André Dugnat, Michèle Hallez, Dominique Lardièren Eve-Marie Lèger, Geneviève Mermet, Anne Oui, Danièele Rapoport, Marie-Jeanne Reichen.

[8] Pascal Richard et Rottman Hana, Se construire quand même, l’accueil familial : un soin psychique, PUF, 2009. Avec la collaboration d’Emmanuelle Bonneville, Cathy Fourés, Geneviève Mermet, Jean-Louis Nouvel, MartinPavelka.

[9] La loi de 2005 qui encadre le statut des assistantes familiales stipule en article premier : « la politique de la petite enfance a pour but de favoriser le développement physique et psychique de l’enfant, de permettre son épanouissement et de garantir son bien-être. »