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« J’aurai aimé attirer votre attention sur les personnes de l’ombre »

la lettre ouverte de Tony Guillardet

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Monsieur le Président de la République, Mesdames et Messieurs les Ministres,
Actuellement élève en Première générale au lycée Anna Judic à Semur-en-Auxois, je souhaite par ce courrier vous interpeller au sujet des familles d’accueil durant cette période de confinement. En effet, en tant que délégué du Conseil de la Vie Lycéenne, délégué de classe, représentant élève au conseil de discipline, ancien ambassadeur de la lutte contre le harcèlement scolaire et élu conseiller départemental junior suppléant lors de mes années au collège, j’ai pu démontrer mon engagement quant à de nombreux enjeux sociaux. C’est dans cette dynamique que j’ai décidé de mener un combat visant à lutter contre la stigmatisation des enfants et adolescents placés. Enfant placé depuis l’âge de sept ans, j’ai aujourd’hui la chance de qualifier ma famille de bienveillante, investie, déterminée pour ma réussite et mon bien-être. C’est pourquoi, en ces temps difficiles, j’aurais souhaité attirer votre attention sur ces personnes de l’ombre.
Notre pays vit aujourd’hui un épisode tragique suite à la pandémie du COVID-19 ; de nombreux corps de métier sont à pied d’oeuvre afin d’assurer au mieux le bon fonctionnement de notre vie « quotidienne ». A plus forte raison, l’action du personnel médical, des facteurs, des éboueurs, des caissiers, des pharmaciens, des boulangers, du gouvernement, et bien d’autres encore, est indispensable à la survie de notre nation. Cependant, mon attention se porte plus particulièrement sur les métiers liés à la Protection de l’Enfance.
En effet, les familles d’accueils et les éducateurs spécialisés sont actuellement confrontés à la difficile continuité de leur mission : ils font parfois face à des enfants en manque de leurs parents, dont certains sont lourdement handicapés, d’autres turbulents voire violents… Il ne s’agit pas de faire d’amalgame ni de généralité, tous les enfants placés ne sont pas comme cela, d’où mon combat de lutter contre la stigmatisation des enfants placés. Cependant, les enfants ayant des droits de visite se trouvent en ce moment dans l’impossibilité de revoir leur famille, ce qui, sur le plan émotionnel, peut être très compliqué. De ce fait, ces jeunes personnes se doivent de rester alors dans des foyers ou bien leur famille d’accueil. Seulement, certains établissements sont au bord de la rupture, et pour quelques familles d’accueils les enfants demeurent compliqués et par conséquent, très prenants. Ainsi, vous comprendrez qu’en ce temps de crise, marqué par le confinement, ces situations normalement perçues comme compliquées, peuvent rapidement se détériorer, et de la sorte devenir nettement plus complexes pour l’adulte à charge. D’autre part, de nombreux travailleurs
sociaux en contact physique avec les enfants ont décidé de ne pas exercer leur droit de retrait, contrairement à ce que propose l’article L4131-1 du Code du travail. C’est pourquoi, je souhaiterais exprimer toute ma gratitude envers ces personnes qui n’ont de cesse de donner de leur temps, de leur énergie, de leur force, pour nous, enfants placés.
C’est ainsi que, au vu de cette situation inédite, je fais appel à votre reconnaissance et bienveillance pour récompenser l’ensemble de ces travailleurs sociaux actifs aux contacts des enfants placés. Le mérite est là, ils servent la nation, et contribuent inéluctablement à la survie de notre pays. Ce sont eux aussi des soignants, d’une société qui produit des exclus ; mais également des injustices et des inégalités de traitement entre les familles françaises. Des personnes soignantes des futures personnes actives de la société. Ce sont des soignants sans blouses qui, certes, ne travaillent pas dans des cabinets ou dans des hôpitaux, mais qui guérissent des blessures morales, et parviennent à réparer des coeurs déchirés par le tragique de la vie ordinaire. Malheureusement, leurs compensations financières ne sont souvent pas à la hauteur de leur investissement personnel et affectif. Notre pays tient et compte sur “des femmes et des hommes que nos économies reconnaissent et rémunèrent si mal.” Jadis, nos ancêtres ont écrit « Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune ». Malheureusement, ces mots se sont estompés au fil du temps. Monsieur le président de la République, Mesdames et Messieurs les Ministres, vous pouvez aujourd’hui “reprendre le flambeau et donner toute sa force à ce principe.”, particulièrement en cette période difficile. Vous avez le pouvoir de redonner à certains un sens à cette profession qu’ils aiment tant, et par ailleurs, éviter la pénurie d’assistants familiaux. Ainsi, je vous conjure de penser à ces héros qui agissent dans l’ombre ; à tous ces éducateurs et familles d’accueils qui sauvent et recollent nos cœurs.
Veuillez agréer, Monsieur le Président de la République, Mesdames et Messieurs les Ministres, l’expression de ma respectueuse considération.
Tony Quillardet